samedi 12 octobre 2013

Question du jour : Les mandats illimités en Afrique : volonté du peuple ou pratique dictatoriale ?

La problématique du jour est sans aucun doute un sujet très sensible et en même temps central pour comprendre les difficultés démocratiques que connaissent les pays Africains. C’est pourquoi j’ai jugé impérieux de partager succinctement avec vous, jeunes Africains comme moi, sur les explications que nous donnons  à l’illimitation des mandats de nos dirigeants.
J’aborderais cette incompréhension par la première interrogation du thème : est ce que l’illimitation des mandats est une volonté du peuple ? Je ne saurais la répondre au nom du peuple tout entier, toutefois on peut se demander si ce peuple souhaite véritablement une seule personne au pouvoir ad vitam aeternam ? La réponse aurait été plus simple et évidente si les Etats où il y a illimitation des mandats n’étaient pas des Républiques mais plutôt des royaumes.  Effectivement la réponse aurait été évidente si nous étions tous comme au SWAZILAND où il y a un roi dont la longévité n’est pas contestée  par le peuple. Dans ce genre de cas, le problème ne se pose pas mais s’impose au peuple puisque c’est un royaume. Maintenant en tant que république, où le pouvoir appartient en principe au peuple et non à un individu, comment expliquer que ce même peuple puisse permettre constitutionnellement qu’une personne qui a déjà dirigée puisse se présenter autant de fois qu’elle le souhaite alors que nous sommes en république ? Que c’est bizarre !
La constitution doit être l’expression du peuple et non d’un groupuscule qui s’aborde le pouvoir du premier citer à des fins partisanes ou personnelles. C’est malheureusement le cas dans certains pays du continent, où les dirigeants prétendent parler ou agir au nom du peuple alors qu’au fond ils le font à leurs noms propres ou à celui de leurs partis politiques. C’est par ce canal ou cette usurpation, que certains dirigeants ont illimité leurs mandats en faisant croire que c’est la volonté du peuple alors que c’est tout simplement la leur.
Vous comprenez dès lors pourquoi j’ai parlé plus haut d’incompréhension, parce que dès lors que nous sommes constitués en république, nulle personne ne peut se présenter « n fois » au poste de Président au risque de dénaturer la république. La loi dans certaines républiques  occidentales qui font office de références, et même dans certains Etats Africains comme le GHANA, le CAP VERT ou encore le SENEGAL, est quasiment la même en ce qui concerne la limitation de mandat ; c’est un mandat « une fois » renouvelable pour un président élu. Cette loi est formidable car elle exprime pleinement le vrai sens de la république qui veut que le peuple renouvelle par elle-même et pour elle-même sa classe dirigeante après deux mandats bien limités dans le temps.
Cette analyse nous plonge automatiquement dans le second point de ce sujet. Est-ce une pratique dictatoriale que de se présenter autant de fois qu’on le souhaite ? Les personnes concernées répondront tout simplement « non » parce que considérant que la constitution le permet. C’est tout à fait normal de répondre ainsi même si nous savons tous à l’image de qui cette constitution a été faite, en tout cas pas à l’image du peuple.
Le peuple ne peut pas lui-même choisir et donner le fouet avec lequel on va le battre à des fouetteurs. Si je le dit c’est parce que l’illimitation de mandat est comme un fouet et celui qui exerce cette illimitation est un fouetteur, donc un dictateur. La constitution dans une véritable république ne peut, selon moi, accorder une telle pratique parce que si c’est le cas alors la république se confond à la dictature.
De deux choses l’une, soit nous sommes une république soit une dictature. Il faut qu’on se situe pour savoir sur quel régime fonctionnons-nous. C’est cette confusion qui entache fortement la démocratie et le développement de nos pays. On se considère en république alors que les pratiques courantes sont dictatoriales ; parce que comment expliquer qu’un président qui sait que sont mandat prend fin sous peu, décide unilatéralement de changer la constitution et de prolonger le mandat pour rester au pouvoir ? Sommes-nous dans ce cas dans une république ou dans une dictature ?
J.J Rousseau dans le Contrat Social explique que le sénat Romains nommait  un dictateur que lorsque l’intérêt supérieur de la Nation était mis en danger. D’ailleurs cette nomination se faisait en secret et la nuit parce que la loi ne permettait pas à un homme d’être au dessus des lois. De nos jours, pour revenir chez nous en Afrique, nos dirigeants se mettent tout le temps au dessus des lois non pas au nom de la nation mais à leurs noms propres. Avec tout cela comment ne pas se dire que nous sommes vraisemblablement dans des dictatures qui ont l’apparence formelle de république. Les dirigeants qui changent les constitutions au gré de leurs ambitions ou attachement au pouvoir, font de nos Etats des dictatures pures et dures surtout lorsque ces pratiques sont courantes à tous les niveaux de décisions.

Pour finir je pense qu’il serait judicieux pour nos pays et pour le peuple Africain de revoir profondément les textes qui régissent la pratique du pouvoir, surtout au niveau des mandats des Présidents. La république doit s’exprimer dans toute sa plénitude et non la cloisonnée à des fins personnels qui ternissent sans aucun doute l’image des pays où la limitation de mandat n’est pas effective.
     
                         vivement que tous respectent la constitution.